9 Poemas de Jean-Pierre Siméon

”Un pueblo que pierde su poesía pierde su alma»

Jean-Pierre Siméon 

Ton poème

Marche,
N’arrête pas de marcher
D’ouvrir des portes
De soulever des pierres
De chercher dans les tiroirs de l’ombre
De creuser des puits dans la lumière

Cherche,
N’arrête pas de chercher
Les traces de l’oiseau dans l’air
L’écho dans le ravin
L’incendie dans les neiges de l’amandier

Tout l’ignoré
Le caché
L’inconnu
Le perdu

Cherche
Tu trouveras
Le mot et la couleur de ton poème

Les Couleurs de l’invisible

Je vous dirai la couleur
des choses invisibles
la couleur qu’on entend
la couleur qu’on respire

La guirlande bleue du violon
et la pourpre des guitares
le vert profond du vent
dans le soir
et l’or fragile
d’une caresse

Je vous dirai la voix perdue
dans l’indigo des solitudes
et le calme orangé
près des yeux doux qu’on aime

Je vous dirai l’arc-en-ciel
qui naît en vous
de la patience et de l’oubli
de la défaite du silence
et du geste réconcilié

car comme vous j’aime et je vis
dans l’arc-en-ciel de mes songes.

de «La Nuit respire«

La différence

Pour chacun une bouche deux yeux
deux mains deux jambes

Rien ne ressemble plus à un homme
qu’un autre homme

Alors
entre la bouche qui blesse
et la bouche qui console

entre les yeux qui condamnent
et les yeux qui éclairent

entre les mains qui donnent
et les mains qui dépouillent

entre les pas sans trace
et les pas qui nous guident

où est la différence
la mystérieuse différence?

de La nuit respire

Extrait

Ainsi se décide l’impossible
comme une caresse

Entre le monde et l’amour
le lien est d’eau qui tremble

Tes mains sont un fruit
autant que la rondeur de l’été

Et la révolution et les désastres
sont l’oeuvre d’un regard
ou d’un baiser demeuré vide

Tout désir est une enfance revécue
au bord d’un ruisseau

Toute vaillance dans le pas
est nouée au sommeil le plus chaud

Ainsi l’avenir
cet ordinaire du pauvre
est la trace indécise
d’une main sur ta peau

de Fresque peinte sur un mur obscur Cheyne éditeur, 2002

ma prière…

ma prière voilà comment commence ma prière

j’aime que le matin blanc pèse à la vitre et l’on tue ici

j’aime qu’un enfant courant dans l’herbe haute vienne à cogner sa joue à mes 

   paumes et l’on tue ici

j’aime qu’un homme se plaise à mes seins et que sa poitrine soit un bateau qui 

   porte dans la nuit et l’on tue ici

j’aime qu’on bavarde à la porte du boulanger quand il n’y a d’autre souci que 

   le bleu du ciel étendu sous la théorie des nuages et l’on tue ici

j’aime qu’à quelques-uns on s’ennuie paisiblement à observer le vent dormir 

   sur les toits de la ville et l’on tue ici

j’aime qu’on bâtisse une fleur pour la fleur dans le loisir insipide du jardin et 

   l’on tue ici

j’aime que la pierre roule dans la rivière et que cela fasse un bruit de clarinette 

   et l’on tue ici

j’aime que les heures ne soient que le temps qui passe pour faire les heures et 

   l’on tue encore ici encore

et voilà comment continue ma prière

êtes-vous là encore êtes-vous là mangeurs d’ombres

je crache

je crache sur l’homme de 

l’homme de guerre

je crache sur le guerrier de la prochaine

de la prochaine guerre

qui joue aujourd’hui avec son ours en peluche les ailes des mouches et

la poudre rouge et bleue des papillons

je crache sur l’esprit de guerre qui pense et prévoit la douleur

je crache sur celui qui pétrit la pâte de la guerre

et embrasse son sommeil quand on cuit la mort au four de la guerre

je crache sur le ruisseau de sang qui tombe des doigts du vainqueur

comme un mouchoir par mégarde tombe au caniveau

je crache sur celui qui fait d’un corps de femme une chair ouverte 

une chair bleue qui était blanche

couverte de guêpes qui était faite pour le baiser

déchirée qui était comme une soie pour le soleil

je crache sur la haine et la nécessité de cracher sur la haine

homme de guerre je te regarde

regarde-moi

je te dis regarde-moi…

Où passent des secrets

A Laurent Terzieff

Peu importe qu’on l’entende

elles ont leur voix aussi

les pierres les ombres et les fenêtres

et les tables débarrassées des rires et du vin

chemin qu’importe ce qu’il est

mais chemin sûr où passent des secrets

en cette voix des choses

la voix des hommes leur sœur première

forme capitale dans les hiérarchies de la vie

sauve de l’âme

ce qui lui est inconnu

voix des hommes

comme un centre qui se cherche

dans la voix des choses

comme une fleur soufflée

sur l’abondance du visible

voix de la pierre ou de la chair qu’importe

mais qui excède

brume sur le matin

élevant la terre

voix nous sommes la nuit épaisse

dont il faut bien que vous veniez

et plus pures que l’esprit vous nous continuez

ainsi que les rêves pour un autre accomplissement

éloignent le dormeur de lui-même

quand vous ne seriez que ces miroirs prodigues

main étrange qui ne saisit que la vanité du monde

c’est en vous cependant que nous nous connaissons

infiniment légers et meurtris

comme une neige couchée sous le vent

c’est en vous que la pensée

se creuse et se courbe

ainsi qu’une eau à la fontaine

car il n’est pas de pensée qui n’ait

comme la pierre l’ombre ou la fenêtre

l’abri mystérieux d’un voix

voix si proche de l’enfance et de la mort

presqu’elle tient ensemble

quand pleine et claire elle se donne au poème

le cri et son silence

de «Il fait un temps de poème» Volume 2

Rien n’est plus beau…

Rien n’est plus beau

qu’un amour qui ne se croit pas immortel

qui a la souple respiration du voilier

endormant la vague

prodige oui mais qui se sait tributaire

d’un vent si incertain

qu’il voudrait d’un seul déploiement de son erre

boire toute une nuit d’étoiles et de lune pleine

Un amour comme une joie d’enfance

grandie de sa fin trop proche

et qui se tient timide

au faîte de l’instant

nid d’hirondelle

dans le noir

ah ce n’est pas cela un amour de légende

qui se targue des  mélancolies

et geint à genoux sous la couronne de roses

toi mon aimée demeure princière en ton rire

chaque matin devant ta mort et ma mort

sois libre et fière et ferme

car il suffit de la caresse d’un rire

pour que tout en nous se recompose

et que soit le monde uniment

sous nos mains le passage et la durée

la nudité d’une âme dans la douceur du corps

nous mourrons mon amour sans rien perdre

si nous séjournons visages étonnés

dans l’instant qui nous prolonge

et fait de nos gestes les plus simples

– baiser murmure épaule lente –

un feu dormant

demeurons mon aimée

fût-ce au cœur d’un sanglot silencieux

une joie ouverte

sommet de l’éclair

rire et bonté persistants

dans la disparition

de «Un essaim amoureux», Cheyne éditeur, 1986

La nuit respire

La nuit respire

Qui va qui vient

Qui rôde et nous regarde

Dans les failles de la nuit ? 

Le vent traque un loup d’ombre 

Sur les murs

Des oiseaux frôleurs

Ferment leurs ailes froides

Sur la lune

La ville s’égare

Dans ses futaies de pierre

La nuit respire

Et nous dormons tranquilles

Les yeux dans l’aube

de «La nuit respire«

Lettre à la femme aimée au sujet de la mort (I-XII)

à Véronique

I

Eloignons-nous mon amour

de la vase qui prend les pieds

non pour vivre un ailleurs

de pourpre et d’or

mais pour que l’oreille scrute

où le pas sonne juste

quand il va sur la dalle nocturne

de nos vies

nous savons depuis l’enfant

repris dans les pleurs

à ses jeux d’aveugle dans la vague

que nulle part il ne fait beau

longuement

nous n’avons qu’un ciel

le même pour la tiédeur et la flamme

le même pour la guêpe et l’ouragan

et il admet la buée fraîche du matin

sur la mort

éloignons-donc sans quitter

avec notre cœur martelé de savoir

et la mémoire bondée du désastre

éloignons-donc de nos journées mourantes

où l’on pense sans colère et sans hâte

comme on range son sommeil entre les draps

il s’agit de descendre au secret

dans les rues basses

sans plus de lumière

que l’averse

du premier jour retrouvé

comme font retour les amants

dans leurs serments de salive et de sueur

à la nuit parfaite

eau bruissant dans l’obscur

puis lourdement habillés du monde

revenons à nos pas quotidiens

avec aux lèvres la loi violente du poème

II

De quoi vit donc un paysage

et de quoi va-t-il mourir ?

Regarde : la peau de la rivière

s’éprend de tes hanches

puis tu quittes la rive

un chant de fraîcheur dans la bouche

alors oui tu t’absentes

mais un pli demeure

dans sa course vivante

n’est-ce pas mon amour que la rivière

continue avec toi

et que ce qui mourut en elle

à l’instant où tu t’éloignais en riant

ce n’était rien

une forme désormais habite

sa rumeur

l’empreinte d’un joie

qui est comme le secret que la mère pose

sur le front de l’enfant

avant qu’elle l’abandonne

aux choses de la nuit

toute vie est un paysage

tout amour sa rivière possible

et puisse être la mort

cette chemise d’eau qui glisse du bras

après la nage

et que soit la tristesse

cette lumière répandue dans l’herbe

qui fera le soir venu

un autre ciel à la mémoire

III

L’été un soir endort ton visage

il n’y aura plus de matin à la fenêtre

seul un oiseau qui ignore tout

du vol et du chant

regarde fixement posé sur ta main

peu à peu le silence

qui fut à la parole

ce que la branche est au vent

sèche et tombe

poussière déjà sur le sommeil

il s’agit alors

de sortir de tes pas de tes mots de ton visage

de ce temps qui fait corps

long amour qui tombe de la peau

comme un sable au retour de la plage

tombent aussi

le bruit et l’odeur des gestes

qui furent tantôt ton saccage

et tantôt ta beauté

l’esprit à cet l’instant

est ce qui sur un pont se penche

sans vertige

tu es à toi-même ton enfant

comme un ciel berce sa nuit

ce que tes doigts éperdument

étreignent dans le drap

c’est la joie du premier âge

et la voix ultime et douce

de ceux qui la connurent

et l’aimèrent dans tes yeux

tu sais tout cela

car souvent si souvent

tu as appris à oublier

et l’oubli est la première rive de la mort

IV

A quoi prêtes-tu l’oreille jeune femme

quand tu entres à pas secrets

dans la maison qui n’attend plus

posée comme une absence

dans l’embellie du jardin ?

un monde ici chuchote

derrière chaque porte

une histoire dédiée à l’ombre

où l’on va de chambre en chambre

et de bras en bras

quêter le peu de chaleur

jamais assez toujours trop peu

mais qui passe comme un refrain d’été

sur la lèvre

sais-tu le proverbe

qui dit que l’homme a trois oreilles ?

le cœur est la troisième

et c’est l’oreille de l’enfance

celle qui entend dans la vieille maison

les chansons et les rires d’une autre vie

comme une lumière d’étoile

affleurant à la nuit

tu entends

le front appuyé à des odeurs closes

les mains cherchant la couleur des murs

une rumeur d’arbres et de rivières

qu’on partageait à table

avec la pain pauvre

quand la place du père était vide

tu devines le cri du retour

les joies muettes

et leur disparition dans l’usure du jardin

alors tu te connais fille de la rumeur

et du retour

tu entends derrière la porte

qui reviennent vers toi

tes propres pas perdus

et tu serres les ombres

sur ta poitrine

V

Il n’y a pas de justice dis-tu

on meurt aussitôt que l’on chante

et ce qu’on aime

un jour ferme les yeux sur notre amour

comme ingénument tombe l’ombre

d’une branche

non il n’est pas de rive juste

à la vie qui avance

si sincères soient nos gestes

dans l’étreinte

dans le pli des lèvres

toute colère est murmure

et le baiser rejoindra

la page morte du poème

or tu fus celle-là

avant la trahison

qui jouait au voleur avec les vents

sous la chevelure des châtaigniers

puis dormeuse aux yeux innocents

sous l’orage

sois femme à présent les yeux droits

dans la nuit

sois sûre de ton courage

comme ceux qui vont à la mort étrangère

avec au cœur un bouquet de caresses

mais hausse tes larmes

elles sont la sève des souvenirs

et renoue avec la course de l’enfant

son cheveu léger

son pied qui vole avec l’oiseau

son souffle qui renverse les forêts

aime aime encore

sur le tranchant des jours

et dispose les biens de la terre

dans l’instant où mon front

s’incline à ton sourire

VI

Nul sermon ne nous interdira les larmes

et que même le sanglot résonne dans les rues

quand la veille s’achève auprès du mort

et que sa paupière tombe

sur le ciel qui nous vit naître

debout et forts nous pleurerons

er ce ne sera pas pour jeter sur la face

un manteau de regrets

mais parce que la nuit exige

cette clarté des larmes

comme elle voulut naguère

que tremblât sur ton sein

une main adoucie

comment souffrir sous l’air d’un coup devenu gris

sans chercher en soi

la source proche

et perdue ?

dehors la lumière glisse des doigts

et se mêle à la boue du soir

les vents quittent la chaleur des toits

pour se fondre dans le noir silencieux

une attente pressante et vaine

comme un feuillage dispersé

jusqu’à la transparence

allons c’est du dedans

où la rumeur du cœur vacille

qu’il faut tenir la paix

celle qui vient aux yeux avec les larmes

la paix la douloureuse

alors ce qui pleure

dans la cohue des gestes

c’est la vie tenue

à la pulsation du sang

là où tu souris

à jamais dissemblable

et cependant épargnée enfin

VII

Quant à l’abandon il n’y a pas de science

quoi donc pour peser le silence 

qui sépare la joue du baiser ?

on ne sait quelle nuit

se fait en contrebas

de la vie qui s’achève

ni quelle sentence de poussière

colle les lèvres

après chaque mort

un trou s’ouvre dans le langage

un mot à jamais manque

et c’est comme désespérément le poème

qui cherche les voyelles de son chant

expliquer c’est faire souffrir l’âme

d’une deuxième absence

vouloir tenir la nuit entière

son éternité éteinte

dans l’enclos d’un sommeil

gare à l’illusion native !

le temps n’est pas la rivière qui s’étire

des pierres gelées à la rive anonyme

mais intensément la soif

mais une gorge ivre des rires et des larmes

et qu’assèche l’infini couvert de tuiles d’ombre

notre monde est le gouffre qu’il creuse

nos yeux ne sont pas faits

pour scruter la chute

mais pour nous reconnaître

l’un et l’autre semblables

semblablement réels et ardents

dans le vide

nous nous aimerons donc

croyants du dernier désir

que nulle cause n’absout

formes vivantes pour la cime d’un mot

et les mains réunies

et puis qu’un soleil nous embrasse

là même où nous durons

au centre d’une soif

VIII

Vint ce jour dans le jour

où tu posas le pied au bas du lit

il n’y avait plus de sol que la douleur

chose comme une eau mouvante et froide

tu crus ressaisir le monde

dans la main aimée

mais le froid tenait aussi dans la douceur

mais le froid mettait ses dents dans la chair

et tu sus combien la chair est nue

autant que l’âme quand l’âme souffre

c’est qu’il est un autre temps dans le temps

une durée seconde

où la fille nouvelle-née

est sœur de l’aïeule

où la même argile saisit les corps

la même attente la pensée

c’est ce temps-là

comme des feuilles

jetées bas sous le pas du marcheur

que ton pied un matin rencontra

et ce fut pour toi alors sourde

aux midis qui sonnaient

te perdre et descendre

dans ta propre mort

tant est commune mon aimée

l’absence aux bras chargés de mémoire

la vérité est qu’on ne revient pas

de cet exil

que nulle patience ne le dissuade

et si l’on reprend pied

sur la terre familière

il nous appartient de garder précieuse

cette marche vaine dans l’horizon en larmes

son prix je le lis clair dans tes yeux

à leur joie neuve qui me regarde

IX

Ah qu’on n’invoque pas l’aile de l’ange

quand le silence passe sur le front du mourant

qu’on dissipe buée sur l’âme ces chants d’allégresse

qui forcent un ciel entre les dents du mort

le cadavre ne veut pas de ces beautés violentes

seuls sont vrais le poids de l’air dans la chambre

et la patience qu’il faut à notre épaule

et les paupières brûlantes

et la parole aride

et les sueurs de la pensée qui s’efforce

seul existe pour les demeurants

aux prises avec la lumière trop pleine du matin

le soupçon d’avoir posé pour rien

leurs mains sur le monde

et d’avoir pour rien

usé leur volonté

aux graviers

qu’on laisse l’horreur venir devant

parfaite

puisqu’à partir de là il faut tout recommencer

la nuit quotidienne

et la vie quotidienne

réapprendre la saveur

et l’amertume qui tient la lèvre close

puis le chant dans la gorge simple et suffisant

qu’on  nous laisse donc seuls face à l’énigme oui

hommes seuls avec leur souffle

leur prière de peu

mariant les corps à la nuit amoureuse

et là s’allégeant dans l’énigme

un seul rythme nous contient

quand habitant dans l’amour notre danse égarée

nous échangeons d’une pleine respiration

l’éternité contre une joie

un rythme ou un poème

qui tient dans son étreinte nue

le sens inexprimé des choses

X

Nuits qui savez tout de la vieillesse

l’opprobre jeté au visage

au front innocent appuyé contre l’été

à la force dévorante du geste

crachat crachat de la misère

dans nos yeux

nuits pétries du doute

et de la pénible rumeur du rêve

et qui faites aux enfants mêmes

des yeux de fauves devant le feu

vraies nuits de la douleur

qui semblez ne paraître

que pour donner au monde

qui se tourne et retourne dans l’insomnie

le leurre où mordra sa faim

nuits extrêmes de la souffrance

qui posez un bandeau de  fièvre

sur le souffle et la gorge opprimée

comme les grands voiliers chutant dans la brume

nuits retirez-vous

laissez enfin que nos cœurs battent

comme un linge relavé

dans la brise du soir

laissez-nous corps primitifs

adonnés seulement à la clarté qui monte

aux mouvements mêmes de la lumière

qui n’ont pas d’usure

et que les amants dans leur danse naïve

embrassent

emportez avec vous

la menace et l’or des prophéties

les éternités moqueuses

laissez-nous vieillir et mourir

nus et proches de notre soif

d’ombre et d’étoile fuyantes

nous avons bien assez dans l’âme

pour comprendre qu’en nous

est venue du premier jour

la mort immense

XI

Il n’y a pas de consolation t’ai-je dit

alors que tu ignorais lointaine à mes côtés

ma main posée dans ta main

ah comme je savais que ce qu’il me fallait libérer

dans ton silence

était chose rude mal venue

quoi donc ? cela que je répétais dans l’ombre

avec la demi-voix qu’on a devant la tombe :

on porte avec sa vie l’inconsolé

comme son sang

quand on a vu le visage de l’agonie

on ne revient pas chez soi sans honte

si puissante soit la douceur

des bras qui nous attendent

on ne peut

pendre son ombre au portemanteau

et se croire fût-ce un instant

épargné

désormais un poids nouveau pèse sur tes épaules

à toute heure une fatigue dormante tient la pensée

rien n’est saisissable du jour ni de la nuit

et les mots mêmes

on ne les habite que par défaut

comme la lumière ses lampes

comme le baiser la bouche

sois douce avec l’invisible

dans ma main posée sur ta main

il n’ y a pas de consolation

mais une patience

qui nous tient prêts

au bord du gouffre et de la joie

XII

Je t’écoutais parler à ton enfance

comme on fait près du feu

le corps respirant les flammes

tes mots riaient dans les larmes

si même c’étaient des larmes cette ombre pure

vibrant sous ta paupière

dehors les jeunes gens jetaient des cris

sur le ciel bleu comme des pierres

la lumière crevait la vitre des fenêtres

une radio oubliée chantait

pareille à la solitude

c’était un jour violent comme l’été

et tu parlais à ton enfance doucement

dans cette langue d’étrangère 

qui avec patience demande son chemin

à qui ne la sait pas

savais-tu

tandis que ta voix buvait le silence

combien il te faudrait franchir d’adieux

pour trouver la force de chérir sans mots ni larmes

tes vies disparues ?

alors ici enfin plus rien

plus le dernier sourire sans bouche

plus la chambre close

sur son architecture de poussière

et plus ce grincement du cerisier

où l’oiseau empiégé t’en souviens-tu

déchira ses ailes

alors seulement cette vielle parfaite

dans la mémoire

où ton enfance est là

qui te regarde aimée et advenue

elle te prendra dans ses bras

et c’est elle désormais

qui te redit le songe

de «Lettre à la femme aimée au sujet de la mort«, Cheyne éditeur, 2006 

Jean-Pierre Siméon (Paris, Francia, 6 de mayo de 1950). Poeta, novelista, dramaturgo y crítico literario.

Profesor asociado de Literatura Moderna, enseñó durante mucho tiempo en el Instituto Universitario de Formación del Profesorado de Clermont-Ferrand, ciudad en la que reside. 
Es autor de numerosas colecciones de poesía, novelas, libros para niños, numerosas obras de teatro, un ensayo sobre teatro y uno sobre Laurent Terzieff, ensayos sobre la necesidad de la poesía, en particular La poésie sauvera le monde,(La poesía salvará al mundo) ,Aïe un poète !  y  La Vitamine P. También hace traducciones (del alemán para Le Voyage d’Hiver de W. Müller y del inglés para Foley de M. West, así como de los poemas de Carolyn Carlson).

Fundó con Christian Schiaretti el festival Les Langagières en la Comédie de Reims y ahora es un poeta asociado con el Théâtre National Populaire en Villeurbanne. Enseñó al mismo tiempo en la ENSATT de Lyon hasta 2010. También enseñó en Sciences Politiques en París y creó allí el evento SciencesPoésie. 
En 1986 crea la Semana de la Poesía de Clermont-Ferrand. 
Fue miembro de la comisión de poesía de la CNL y colaboró como crítico literario y dramático para la Humanidad. 
Fue asesor de la Misión para el Arte y la Cultura del Ministerio de Educación Nacional. 
Participa en los consejos de redacción de varias revistas y dirigió con Jean-Marie Barnaud durante 25 años la colección «Grands Fonds» de la editorial Cheyne.
Entre sus textos para teatro Et ils me cloueront sur le bois (Y me clavarán al madero) se estrenó en el Festival de la Chaise-Dieu en agosto de 2014; Philoctète y Le Testament de Vanda se representaron en 2009, respectivamente en el Odéon-Théâtre de l’Europe, en una producción de Christian Schiaretti, con Laurent Terzieff y en el Théâtre du Vieux-Colombier, con Sylvia Bergé en una puesta en escena de Julia Brochen. 
Productor en France Culture del programa Géographie du poema.
Publica con el editor Cheyne desde hace más de treinta años todas sus colecciones de poesía. Su obra poética le valió el premio Théophile Briant en 1978, el premio Maurice Scève en 1981, el premio Antonin Artaud en 1984, el premio Guillaume Apollinaire en 1994 y el gran premio Mont Saint-Michel por toda su obra en 1998.

En En 2006 recibió el Premio Max Jacob por su colección Lettre à la femme aimée au sujet de la mort(Carta a la mujer amada sobre la muerte) y en 2010 el Premio Internacional de Poesía Lucian Blaga en Cluj (Rumanía). 
Presidente del jurado del Prix Apollinaire desde 2014, desde 2018 dirige la colección Poésie /Gallimard. 
Fue director artístico de Printemps des Poètes de 2001 a 2017.

Obra poética:

  • À l’intérieur de la nuit, Éditions Cheyne, 2021.
  • Levez-vous du tombeau, Éditions Gallimard, 2019.
  • Traité des sentiments contraires, Éditions Cheyne 2011.
  • Lettre à la femme aimée au sujet de la mort, Éditions Cheyne, 2005. (réédition 2006) prix Max Jacob
  • Fresque peinte sur un mur obscur, Éditions Cheyne, 2002, épuisé
  • Ouvrant le pas, Éditions Cheyne, 1999.
  • Le Bois de Hêtres, Éditions Cheyne, 1998. (réédition 2005)
  • Poèmes du corps traversé, Éditions Cheyne, 1998. (réédition 2001)
  • Traité de la juste merveille, Éditions Cheyne, 1996.
  • Le Sentiment du monde, Éditions Cheyne, 1993. (rééd 1995, 2005) prix Apollinaire
  • Les Douze louanges, Éditions Cheyne, 1990. (réédition 2001)
  • Un essaim amoureux, Éditions Cheyne, 1986 (hors commerce) 1995. (réédition 1999)
  • Fuite de l’immobile, Éditions Cheyne, 1984. (Prix Artaud, réédition 1999)
  • Trente élégies de l’ardeur, Éditions Rougerie, 1986.
  • Présence abandonnée du corps, Éditions Rougerie, 1983.
  • Hypnose du silence, Éditions Rougerie, 1981.

Ensayo:

  • La poésie sauvera le monde, Éditions du Passeur, mai 2015
  • Aïe, un poète !, réédition – Cheyne, 2014
  • La poésie au quotidien : de la maternelle au cycle 3, Canopé, 2014
  • La Vitamine P, Rue du Monde 2012
  • Ce que signifiait Laurent Terzieff, Les Solitaires Intempestifs, 2012
  • Usages du poème, conversation avec Yann Nicol, La passe du Vent 2008
  • Quel théâtre pour aujourd’hui ?, Les Solitaires intempestifs,2007
  • Algues, sable, coquillages et crevettes – lettre d’un poète à des comédiens et à quelques autres passeurs, Cheyne, 1997 (réédition 2006)
  • Charles Juliet, la conquête dans l’obscur, Jean-Michel Place, 2003
  • Aïe! un poète, Le Seuil, 2003

Teatro:

  • Et ils me cloueront sur du bois, Les Solitaires Intempestifs, 2014
  • Electre, Les Solitaires Intempestifs, 2011
  • La mort n’est que la mort si l’amour lui survit – Histoire d’Orphée, Les Solitaires Intempestifs, 2011
  • Le Testament de Vanda, Les Solitaires intempestifs,2009
  • Philoctète, Les Solitaires intempestifs,2009
  • Témoins à charge, Les Solitaires intempestifs,2007
  • Odyssée dernier chant, Les Solitaires intempestifs,2006
  • Sermons joyeux, Les Solitaires intempestifs, 2004, (réédition 2005, 2006)
  • La lune des pauvres, Les Solitaires intempestifs, 2001 (réédition 2007)
  • Le Petit ordinaire, Les Solitaires intempestifs, 2000, (réédition 2006)
  • D’entre les morts, Les Solitaires intempestifs, 2000
  • Stabat Mater Furiosa, suivi de Soliloques, Les Solitaires intempestifs, 1999, (réédition 2000, 2002, 2005)

Enlaces de interés :

https://www.arlyo.com/la-poesie-sauvera-le-monde-lessai-revivifiant-de-jean-pierre-simeon/

https://esprit.presse.fr/article/jacques-darras/jean-pierre-simeon-une-question-de-vers-et-de-versants-41836


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