”Un pueblo que pierde su poesía pierde su alma»
Jean-Pierre Siméon
Ton poème
Marche,
N’arrête pas de marcher
D’ouvrir des portes
De soulever des pierres
De chercher dans les tiroirs de l’ombre
De creuser des puits dans la lumière
Cherche,
N’arrête pas de chercher
Les traces de l’oiseau dans l’air
L’écho dans le ravin
L’incendie dans les neiges de l’amandier
Tout l’ignoré
Le caché
L’inconnu
Le perdu
Cherche
Tu trouveras
Le mot et la couleur de ton poème
Les Couleurs de l’invisible
Je vous dirai la couleur
des choses invisibles
la couleur qu’on entend
la couleur qu’on respire
La guirlande bleue du violon
et la pourpre des guitares
le vert profond du vent
dans le soir
et l’or fragile
d’une caresse
Je vous dirai la voix perdue
dans l’indigo des solitudes
et le calme orangé
près des yeux doux qu’on aime
Je vous dirai l’arc-en-ciel
qui naît en vous
de la patience et de l’oubli
de la défaite du silence
et du geste réconcilié
car comme vous j’aime et je vis
dans l’arc-en-ciel de mes songes.
de «La Nuit respire«
La différence
Pour chacun une bouche deux yeux
deux mains deux jambes
Rien ne ressemble plus à un homme
qu’un autre homme
Alors
entre la bouche qui blesse
et la bouche qui console
entre les yeux qui condamnent
et les yeux qui éclairent
entre les mains qui donnent
et les mains qui dépouillent
entre les pas sans trace
et les pas qui nous guident
où est la différence
la mystérieuse différence?
de La nuit respire
Extrait
Ainsi se décide l’impossible
comme une caresse
Entre le monde et l’amour
le lien est d’eau qui tremble
Tes mains sont un fruit
autant que la rondeur de l’été
Et la révolution et les désastres
sont l’oeuvre d’un regard
ou d’un baiser demeuré vide
Tout désir est une enfance revécue
au bord d’un ruisseau
Toute vaillance dans le pas
est nouée au sommeil le plus chaud
Ainsi l’avenir
cet ordinaire du pauvre
est la trace indécise
d’une main sur ta peau
de Fresque peinte sur un mur obscur Cheyne éditeur, 2002
ma prière…
ma prière voilà comment commence ma prière
j’aime que le matin blanc pèse à la vitre et l’on tue ici
j’aime qu’un enfant courant dans l’herbe haute vienne à cogner sa joue à mes
paumes et l’on tue ici
j’aime qu’un homme se plaise à mes seins et que sa poitrine soit un bateau qui
porte dans la nuit et l’on tue ici
j’aime qu’on bavarde à la porte du boulanger quand il n’y a d’autre souci que
le bleu du ciel étendu sous la théorie des nuages et l’on tue ici
j’aime qu’à quelques-uns on s’ennuie paisiblement à observer le vent dormir
sur les toits de la ville et l’on tue ici
j’aime qu’on bâtisse une fleur pour la fleur dans le loisir insipide du jardin et
l’on tue ici
j’aime que la pierre roule dans la rivière et que cela fasse un bruit de clarinette
et l’on tue ici
j’aime que les heures ne soient que le temps qui passe pour faire les heures et
l’on tue encore ici encore
et voilà comment continue ma prière
êtes-vous là encore êtes-vous là mangeurs d’ombres
je crache
je crache sur l’homme de
l’homme de guerre
je crache sur le guerrier de la prochaine
de la prochaine guerre
qui joue aujourd’hui avec son ours en peluche les ailes des mouches et
la poudre rouge et bleue des papillons
je crache sur l’esprit de guerre qui pense et prévoit la douleur
je crache sur celui qui pétrit la pâte de la guerre
et embrasse son sommeil quand on cuit la mort au four de la guerre
je crache sur le ruisseau de sang qui tombe des doigts du vainqueur
comme un mouchoir par mégarde tombe au caniveau
je crache sur celui qui fait d’un corps de femme une chair ouverte
une chair bleue qui était blanche
couverte de guêpes qui était faite pour le baiser
déchirée qui était comme une soie pour le soleil
je crache sur la haine et la nécessité de cracher sur la haine
homme de guerre je te regarde
regarde-moi
je te dis regarde-moi…
Où passent des secrets
A Laurent Terzieff
Peu importe qu’on l’entende
elles ont leur voix aussi
les pierres les ombres et les fenêtres
et les tables débarrassées des rires et du vin
chemin qu’importe ce qu’il est
mais chemin sûr où passent des secrets
en cette voix des choses
la voix des hommes leur sœur première
forme capitale dans les hiérarchies de la vie
sauve de l’âme
ce qui lui est inconnu
voix des hommes
comme un centre qui se cherche
dans la voix des choses
comme une fleur soufflée
sur l’abondance du visible
voix de la pierre ou de la chair qu’importe
mais qui excède
brume sur le matin
élevant la terre
voix nous sommes la nuit épaisse
dont il faut bien que vous veniez
et plus pures que l’esprit vous nous continuez
ainsi que les rêves pour un autre accomplissement
éloignent le dormeur de lui-même
quand vous ne seriez que ces miroirs prodigues
main étrange qui ne saisit que la vanité du monde
c’est en vous cependant que nous nous connaissons
infiniment légers et meurtris
comme une neige couchée sous le vent
c’est en vous que la pensée
se creuse et se courbe
ainsi qu’une eau à la fontaine
car il n’est pas de pensée qui n’ait
comme la pierre l’ombre ou la fenêtre
l’abri mystérieux d’un voix
voix si proche de l’enfance et de la mort
presqu’elle tient ensemble
quand pleine et claire elle se donne au poème
le cri et son silence
de «Il fait un temps de poème» Volume 2
Rien n’est plus beau…
Rien n’est plus beau
qu’un amour qui ne se croit pas immortel
qui a la souple respiration du voilier
endormant la vague
prodige oui mais qui se sait tributaire
d’un vent si incertain
qu’il voudrait d’un seul déploiement de son erre
boire toute une nuit d’étoiles et de lune pleine
Un amour comme une joie d’enfance
grandie de sa fin trop proche
et qui se tient timide
au faîte de l’instant
nid d’hirondelle
dans le noir
ah ce n’est pas cela un amour de légende
qui se targue des mélancolies
et geint à genoux sous la couronne de roses
toi mon aimée demeure princière en ton rire
chaque matin devant ta mort et ma mort
sois libre et fière et ferme
car il suffit de la caresse d’un rire
pour que tout en nous se recompose
et que soit le monde uniment
sous nos mains le passage et la durée
la nudité d’une âme dans la douceur du corps
nous mourrons mon amour sans rien perdre
si nous séjournons visages étonnés
dans l’instant qui nous prolonge
et fait de nos gestes les plus simples
– baiser murmure épaule lente –
un feu dormant
demeurons mon aimée
fût-ce au cœur d’un sanglot silencieux
une joie ouverte
sommet de l’éclair
rire et bonté persistants
dans la disparition
de «Un essaim amoureux», Cheyne éditeur, 1986
La nuit respire
La nuit respire
Qui va qui vient
Qui rôde et nous regarde
Dans les failles de la nuit ?
Le vent traque un loup d’ombre
Sur les murs
Des oiseaux frôleurs
Ferment leurs ailes froides
Sur la lune
La ville s’égare
Dans ses futaies de pierre
La nuit respire
Et nous dormons tranquilles
Les yeux dans l’aube
de «La nuit respire«
Lettre à la femme aimée au sujet de la mort (I-XII)
à Véronique
I
Eloignons-nous mon amour
de la vase qui prend les pieds
non pour vivre un ailleurs
de pourpre et d’or
mais pour que l’oreille scrute
où le pas sonne juste
quand il va sur la dalle nocturne
de nos vies
nous savons depuis l’enfant
repris dans les pleurs
à ses jeux d’aveugle dans la vague
que nulle part il ne fait beau
longuement
nous n’avons qu’un ciel
le même pour la tiédeur et la flamme
le même pour la guêpe et l’ouragan
et il admet la buée fraîche du matin
sur la mort
éloignons-donc sans quitter
avec notre cœur martelé de savoir
et la mémoire bondée du désastre
éloignons-donc de nos journées mourantes
où l’on pense sans colère et sans hâte
comme on range son sommeil entre les draps
il s’agit de descendre au secret
dans les rues basses
sans plus de lumière
que l’averse
du premier jour retrouvé
comme font retour les amants
dans leurs serments de salive et de sueur
à la nuit parfaite
eau bruissant dans l’obscur
puis lourdement habillés du monde
revenons à nos pas quotidiens
avec aux lèvres la loi violente du poème
II
De quoi vit donc un paysage
et de quoi va-t-il mourir ?
Regarde : la peau de la rivière
s’éprend de tes hanches
puis tu quittes la rive
un chant de fraîcheur dans la bouche
alors oui tu t’absentes
mais un pli demeure
dans sa course vivante
n’est-ce pas mon amour que la rivière
continue avec toi
et que ce qui mourut en elle
à l’instant où tu t’éloignais en riant
ce n’était rien
une forme désormais habite
sa rumeur
l’empreinte d’un joie
qui est comme le secret que la mère pose
sur le front de l’enfant
avant qu’elle l’abandonne
aux choses de la nuit
toute vie est un paysage
tout amour sa rivière possible
et puisse être la mort
cette chemise d’eau qui glisse du bras
après la nage
et que soit la tristesse
cette lumière répandue dans l’herbe
qui fera le soir venu
un autre ciel à la mémoire
III
L’été un soir endort ton visage
il n’y aura plus de matin à la fenêtre
seul un oiseau qui ignore tout
du vol et du chant
regarde fixement posé sur ta main
peu à peu le silence
qui fut à la parole
ce que la branche est au vent
sèche et tombe
poussière déjà sur le sommeil
il s’agit alors
de sortir de tes pas de tes mots de ton visage
de ce temps qui fait corps
long amour qui tombe de la peau
comme un sable au retour de la plage
tombent aussi
le bruit et l’odeur des gestes
qui furent tantôt ton saccage
et tantôt ta beauté
l’esprit à cet l’instant
est ce qui sur un pont se penche
sans vertige
tu es à toi-même ton enfant
comme un ciel berce sa nuit
ce que tes doigts éperdument
étreignent dans le drap
c’est la joie du premier âge
et la voix ultime et douce
de ceux qui la connurent
et l’aimèrent dans tes yeux
tu sais tout cela
car souvent si souvent
tu as appris à oublier
et l’oubli est la première rive de la mort
IV
A quoi prêtes-tu l’oreille jeune femme
quand tu entres à pas secrets
dans la maison qui n’attend plus
posée comme une absence
dans l’embellie du jardin ?
un monde ici chuchote
derrière chaque porte
une histoire dédiée à l’ombre
où l’on va de chambre en chambre
et de bras en bras
quêter le peu de chaleur
jamais assez toujours trop peu
mais qui passe comme un refrain d’été
sur la lèvre
sais-tu le proverbe
qui dit que l’homme a trois oreilles ?
le cœur est la troisième
et c’est l’oreille de l’enfance
celle qui entend dans la vieille maison
les chansons et les rires d’une autre vie
comme une lumière d’étoile
affleurant à la nuit
tu entends
le front appuyé à des odeurs closes
les mains cherchant la couleur des murs
une rumeur d’arbres et de rivières
qu’on partageait à table
avec la pain pauvre
quand la place du père était vide
tu devines le cri du retour
les joies muettes
et leur disparition dans l’usure du jardin
alors tu te connais fille de la rumeur
et du retour
tu entends derrière la porte
qui reviennent vers toi
tes propres pas perdus
et tu serres les ombres
sur ta poitrine
V
Il n’y a pas de justice dis-tu
on meurt aussitôt que l’on chante
et ce qu’on aime
un jour ferme les yeux sur notre amour
comme ingénument tombe l’ombre
d’une branche
non il n’est pas de rive juste
à la vie qui avance
si sincères soient nos gestes
dans l’étreinte
dans le pli des lèvres
toute colère est murmure
et le baiser rejoindra
la page morte du poème
or tu fus celle-là
avant la trahison
qui jouait au voleur avec les vents
sous la chevelure des châtaigniers
puis dormeuse aux yeux innocents
sous l’orage
sois femme à présent les yeux droits
dans la nuit
sois sûre de ton courage
comme ceux qui vont à la mort étrangère
avec au cœur un bouquet de caresses
mais hausse tes larmes
elles sont la sève des souvenirs
et renoue avec la course de l’enfant
son cheveu léger
son pied qui vole avec l’oiseau
son souffle qui renverse les forêts
aime aime encore
sur le tranchant des jours
et dispose les biens de la terre
dans l’instant où mon front
s’incline à ton sourire
VI
Nul sermon ne nous interdira les larmes
et que même le sanglot résonne dans les rues
quand la veille s’achève auprès du mort
et que sa paupière tombe
sur le ciel qui nous vit naître
debout et forts nous pleurerons
er ce ne sera pas pour jeter sur la face
un manteau de regrets
mais parce que la nuit exige
cette clarté des larmes
comme elle voulut naguère
que tremblât sur ton sein
une main adoucie
comment souffrir sous l’air d’un coup devenu gris
sans chercher en soi
la source proche
et perdue ?
dehors la lumière glisse des doigts
et se mêle à la boue du soir
les vents quittent la chaleur des toits
pour se fondre dans le noir silencieux
une attente pressante et vaine
comme un feuillage dispersé
jusqu’à la transparence
allons c’est du dedans
où la rumeur du cœur vacille
qu’il faut tenir la paix
celle qui vient aux yeux avec les larmes
la paix la douloureuse
alors ce qui pleure
dans la cohue des gestes
c’est la vie tenue
à la pulsation du sang
là où tu souris
à jamais dissemblable
et cependant épargnée enfin
VII
Quant à l’abandon il n’y a pas de science
quoi donc pour peser le silence
qui sépare la joue du baiser ?
on ne sait quelle nuit
se fait en contrebas
de la vie qui s’achève
ni quelle sentence de poussière
colle les lèvres
après chaque mort
un trou s’ouvre dans le langage
un mot à jamais manque
et c’est comme désespérément le poème
qui cherche les voyelles de son chant
expliquer c’est faire souffrir l’âme
d’une deuxième absence
vouloir tenir la nuit entière
son éternité éteinte
dans l’enclos d’un sommeil
gare à l’illusion native !
le temps n’est pas la rivière qui s’étire
des pierres gelées à la rive anonyme
mais intensément la soif
mais une gorge ivre des rires et des larmes
et qu’assèche l’infini couvert de tuiles d’ombre
notre monde est le gouffre qu’il creuse
nos yeux ne sont pas faits
pour scruter la chute
mais pour nous reconnaître
l’un et l’autre semblables
semblablement réels et ardents
dans le vide
nous nous aimerons donc
croyants du dernier désir
que nulle cause n’absout
formes vivantes pour la cime d’un mot
et les mains réunies
et puis qu’un soleil nous embrasse
là même où nous durons
au centre d’une soif
VIII
Vint ce jour dans le jour
où tu posas le pied au bas du lit
il n’y avait plus de sol que la douleur
chose comme une eau mouvante et froide
tu crus ressaisir le monde
dans la main aimée
mais le froid tenait aussi dans la douceur
mais le froid mettait ses dents dans la chair
et tu sus combien la chair est nue
autant que l’âme quand l’âme souffre
c’est qu’il est un autre temps dans le temps
une durée seconde
où la fille nouvelle-née
est sœur de l’aïeule
où la même argile saisit les corps
la même attente la pensée
c’est ce temps-là
comme des feuilles
jetées bas sous le pas du marcheur
que ton pied un matin rencontra
et ce fut pour toi alors sourde
aux midis qui sonnaient
te perdre et descendre
dans ta propre mort
tant est commune mon aimée
l’absence aux bras chargés de mémoire
la vérité est qu’on ne revient pas
de cet exil
que nulle patience ne le dissuade
et si l’on reprend pied
sur la terre familière
il nous appartient de garder précieuse
cette marche vaine dans l’horizon en larmes
son prix je le lis clair dans tes yeux
à leur joie neuve qui me regarde
IX
Ah qu’on n’invoque pas l’aile de l’ange
quand le silence passe sur le front du mourant
qu’on dissipe buée sur l’âme ces chants d’allégresse
qui forcent un ciel entre les dents du mort
le cadavre ne veut pas de ces beautés violentes
seuls sont vrais le poids de l’air dans la chambre
et la patience qu’il faut à notre épaule
et les paupières brûlantes
et la parole aride
et les sueurs de la pensée qui s’efforce
seul existe pour les demeurants
aux prises avec la lumière trop pleine du matin
le soupçon d’avoir posé pour rien
leurs mains sur le monde
et d’avoir pour rien
usé leur volonté
aux graviers
qu’on laisse l’horreur venir devant
parfaite
puisqu’à partir de là il faut tout recommencer
la nuit quotidienne
et la vie quotidienne
réapprendre la saveur
et l’amertume qui tient la lèvre close
puis le chant dans la gorge simple et suffisant
qu’on nous laisse donc seuls face à l’énigme oui
hommes seuls avec leur souffle
leur prière de peu
mariant les corps à la nuit amoureuse
et là s’allégeant dans l’énigme
un seul rythme nous contient
quand habitant dans l’amour notre danse égarée
nous échangeons d’une pleine respiration
l’éternité contre une joie
un rythme ou un poème
qui tient dans son étreinte nue
le sens inexprimé des choses
X
Nuits qui savez tout de la vieillesse
l’opprobre jeté au visage
au front innocent appuyé contre l’été
à la force dévorante du geste
crachat crachat de la misère
dans nos yeux
nuits pétries du doute
et de la pénible rumeur du rêve
et qui faites aux enfants mêmes
des yeux de fauves devant le feu
vraies nuits de la douleur
qui semblez ne paraître
que pour donner au monde
qui se tourne et retourne dans l’insomnie
le leurre où mordra sa faim
nuits extrêmes de la souffrance
qui posez un bandeau de fièvre
sur le souffle et la gorge opprimée
comme les grands voiliers chutant dans la brume
nuits retirez-vous
laissez enfin que nos cœurs battent
comme un linge relavé
dans la brise du soir
laissez-nous corps primitifs
adonnés seulement à la clarté qui monte
aux mouvements mêmes de la lumière
qui n’ont pas d’usure
et que les amants dans leur danse naïve
embrassent
emportez avec vous
la menace et l’or des prophéties
les éternités moqueuses
laissez-nous vieillir et mourir
nus et proches de notre soif
d’ombre et d’étoile fuyantes
nous avons bien assez dans l’âme
pour comprendre qu’en nous
est venue du premier jour
la mort immense
XI
Il n’y a pas de consolation t’ai-je dit
alors que tu ignorais lointaine à mes côtés
ma main posée dans ta main
ah comme je savais que ce qu’il me fallait libérer
dans ton silence
était chose rude mal venue
quoi donc ? cela que je répétais dans l’ombre
avec la demi-voix qu’on a devant la tombe :
on porte avec sa vie l’inconsolé
comme son sang
quand on a vu le visage de l’agonie
on ne revient pas chez soi sans honte
si puissante soit la douceur
des bras qui nous attendent
on ne peut
pendre son ombre au portemanteau
et se croire fût-ce un instant
épargné
désormais un poids nouveau pèse sur tes épaules
à toute heure une fatigue dormante tient la pensée
rien n’est saisissable du jour ni de la nuit
et les mots mêmes
on ne les habite que par défaut
comme la lumière ses lampes
comme le baiser la bouche
sois douce avec l’invisible
dans ma main posée sur ta main
il n’ y a pas de consolation
mais une patience
qui nous tient prêts
au bord du gouffre et de la joie
XII
Je t’écoutais parler à ton enfance
comme on fait près du feu
le corps respirant les flammes
tes mots riaient dans les larmes
si même c’étaient des larmes cette ombre pure
vibrant sous ta paupière
dehors les jeunes gens jetaient des cris
sur le ciel bleu comme des pierres
la lumière crevait la vitre des fenêtres
une radio oubliée chantait
pareille à la solitude
c’était un jour violent comme l’été
et tu parlais à ton enfance doucement
dans cette langue d’étrangère
qui avec patience demande son chemin
à qui ne la sait pas
savais-tu
tandis que ta voix buvait le silence
combien il te faudrait franchir d’adieux
pour trouver la force de chérir sans mots ni larmes
tes vies disparues ?
alors ici enfin plus rien
plus le dernier sourire sans bouche
plus la chambre close
sur son architecture de poussière
et plus ce grincement du cerisier
où l’oiseau empiégé t’en souviens-tu
déchira ses ailes
alors seulement cette vielle parfaite
dans la mémoire
où ton enfance est là
qui te regarde aimée et advenue
elle te prendra dans ses bras
et c’est elle désormais
qui te redit le songe
de «Lettre à la femme aimée au sujet de la mort«, Cheyne éditeur, 2006
Jean-Pierre Siméon (Paris, Francia, 6 de mayo de 1950). Poeta, novelista, dramaturgo y crítico literario.
Profesor asociado de Literatura Moderna, enseñó durante mucho tiempo en el Instituto Universitario de Formación del Profesorado de Clermont-Ferrand, ciudad en la que reside.
Es autor de numerosas colecciones de poesía, novelas, libros para niños, numerosas obras de teatro, un ensayo sobre teatro y uno sobre Laurent Terzieff, ensayos sobre la necesidad de la poesía, en particular La poésie sauvera le monde,(La poesía salvará al mundo) ,Aïe un poète ! y La Vitamine P. También hace traducciones (del alemán para Le Voyage d’Hiver de W. Müller y del inglés para Foley de M. West, así como de los poemas de Carolyn Carlson).
Fundó con Christian Schiaretti el festival Les Langagières en la Comédie de Reims y ahora es un poeta asociado con el Théâtre National Populaire en Villeurbanne. Enseñó al mismo tiempo en la ENSATT de Lyon hasta 2010. También enseñó en Sciences Politiques en París y creó allí el evento SciencesPoésie.
En 1986 crea la Semana de la Poesía de Clermont-Ferrand.
Fue miembro de la comisión de poesía de la CNL y colaboró como crítico literario y dramático para la Humanidad.
Fue asesor de la Misión para el Arte y la Cultura del Ministerio de Educación Nacional.
Participa en los consejos de redacción de varias revistas y dirigió con Jean-Marie Barnaud durante 25 años la colección «Grands Fonds» de la editorial Cheyne.
Entre sus textos para teatro Et ils me cloueront sur le bois (Y me clavarán al madero) se estrenó en el Festival de la Chaise-Dieu en agosto de 2014; Philoctète y Le Testament de Vanda se representaron en 2009, respectivamente en el Odéon-Théâtre de l’Europe, en una producción de Christian Schiaretti, con Laurent Terzieff y en el Théâtre du Vieux-Colombier, con Sylvia Bergé en una puesta en escena de Julia Brochen.
Productor en France Culture del programa Géographie du poema.
Publica con el editor Cheyne desde hace más de treinta años todas sus colecciones de poesía. Su obra poética le valió el premio Théophile Briant en 1978, el premio Maurice Scève en 1981, el premio Antonin Artaud en 1984, el premio Guillaume Apollinaire en 1994 y el gran premio Mont Saint-Michel por toda su obra en 1998.
En En 2006 recibió el Premio Max Jacob por su colección Lettre à la femme aimée au sujet de la mort(Carta a la mujer amada sobre la muerte) y en 2010 el Premio Internacional de Poesía Lucian Blaga en Cluj (Rumanía).
Presidente del jurado del Prix Apollinaire desde 2014, desde 2018 dirige la colección Poésie /Gallimard.
Fue director artístico de Printemps des Poètes de 2001 a 2017.
Obra poética:
- À l’intérieur de la nuit, Éditions Cheyne, 2021.
- Levez-vous du tombeau, Éditions Gallimard, 2019.
- Traité des sentiments contraires, Éditions Cheyne 2011.
- Lettre à la femme aimée au sujet de la mort, Éditions Cheyne, 2005. (réédition 2006) prix Max Jacob
- Fresque peinte sur un mur obscur, Éditions Cheyne, 2002, épuisé
- Ouvrant le pas, Éditions Cheyne, 1999.
- Le Bois de Hêtres, Éditions Cheyne, 1998. (réédition 2005)
- Poèmes du corps traversé, Éditions Cheyne, 1998. (réédition 2001)
- Traité de la juste merveille, Éditions Cheyne, 1996.
- Le Sentiment du monde, Éditions Cheyne, 1993. (rééd 1995, 2005) prix Apollinaire
- Les Douze louanges, Éditions Cheyne, 1990. (réédition 2001)
- Un essaim amoureux, Éditions Cheyne, 1986 (hors commerce) 1995. (réédition 1999)
- Fuite de l’immobile, Éditions Cheyne, 1984. (Prix Artaud, réédition 1999)
- Trente élégies de l’ardeur, Éditions Rougerie, 1986.
- Présence abandonnée du corps, Éditions Rougerie, 1983.
- Hypnose du silence, Éditions Rougerie, 1981.
Ensayo:
- La poésie sauvera le monde, Éditions du Passeur, mai 2015
- Aïe, un poète !, réédition – Cheyne, 2014
- La poésie au quotidien : de la maternelle au cycle 3, Canopé, 2014
- La Vitamine P, Rue du Monde 2012
- Ce que signifiait Laurent Terzieff, Les Solitaires Intempestifs, 2012
- Usages du poème, conversation avec Yann Nicol, La passe du Vent 2008
- Quel théâtre pour aujourd’hui ?, Les Solitaires intempestifs,2007
- Algues, sable, coquillages et crevettes – lettre d’un poète à des comédiens et à quelques autres passeurs, Cheyne, 1997 (réédition 2006)
- Charles Juliet, la conquête dans l’obscur, Jean-Michel Place, 2003
- Aïe! un poète, Le Seuil, 2003
Teatro:
- Et ils me cloueront sur du bois, Les Solitaires Intempestifs, 2014
- Electre, Les Solitaires Intempestifs, 2011
- La mort n’est que la mort si l’amour lui survit – Histoire d’Orphée, Les Solitaires Intempestifs, 2011
- Le Testament de Vanda, Les Solitaires intempestifs,2009
- Philoctète, Les Solitaires intempestifs,2009
- Témoins à charge, Les Solitaires intempestifs,2007
- Odyssée dernier chant, Les Solitaires intempestifs,2006
- Sermons joyeux, Les Solitaires intempestifs, 2004, (réédition 2005, 2006)
- La lune des pauvres, Les Solitaires intempestifs, 2001 (réédition 2007)
- Le Petit ordinaire, Les Solitaires intempestifs, 2000, (réédition 2006)
- D’entre les morts, Les Solitaires intempestifs, 2000
- Stabat Mater Furiosa, suivi de Soliloques, Les Solitaires intempestifs, 1999, (réédition 2000, 2002, 2005)
Enlaces de interés :
https://www.arlyo.com/la-poesie-sauvera-le-monde-lessai-revivifiant-de-jean-pierre-simeon/
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