11 Poemas de Claude Roy

A regret

A Darius et Madeleine Milhaud

La mort en tablier qui rentre ses moissons, 


repliant les messieurs, les dames, les oiseaux, 


la mort n’écoute pas nos discours de poissons, 


les mots que nous disons restent au fond des eaux.

Vous dites qu’il fait beau, qu’il fait chaud, le soleil, 


un cœur qui bat tout doux et le chant de l’eau vive, 


vous parlez de l’amour, des monts et des merveilles, 


mais pour vous écouter il n’est âme qui vive.

Vous pouvez parler fort ou feindre d’être ailleurs, 


détourner le regard ou jouer à saute-songe, 


descendre sous la mer comme un pêcheur d’épongés :


elle est là qui vous guette et vous prend à revers, 


tricotant sans répit ses filets à vivants, 


elle est là installée en travers de mes vers, 


poursuivant son idée, têtue comme le vent.

Océan qui redonne et reprend la mémoire 


je m’intéresse au sel de tes franges savantes, 


j’aime bien la façon qu’a la pluie sur l’eau noire 


de poser ses pieds nus et sa fraîcheur bougeante.

Je me tresse un bonheur comme un panier de jonc, 


et j’y mets un grillon, une nuit de septembre, 


le ciel bien lessivé par un matin tout blond, 


une fille endormie qui se mélange à l’ombre.

Mais l’autre est toujours là avec sa bouche ouverte 


et cet air très patient de qui sait son affaire, 


mais l’autre est toujours là, vivre est en pure perte, 


la fausse, la butée, la sourde, la sorcière.

Une dernière fois nos mains nouées et déprises, 


et moi qui ne veux rien que d’être près de toi, 


puis l’autre sera là et nos pensées surprises, 


la dame au temps compté et sa caisse de bois.

Viendra peut-être un jour pour d’autres plus habiles 


la ruse qui saura détourner son chemin, 


mais pour nous c’est trop tard, il faut être dociles, 


poliment dire adieu aux plaisirs de demain.

La tête ailleurs déjà et le cœur barbouillé 


nous dirons à la mort ce que nous pensons d’elle. 


Mais qui donc entendra les mots embrouillés 


perdus pour tout le monde


                                             et que la vie est belle ?

De: Le Poète mineur. Editions Gallimard, 1949

La Poursuivie

Je te poursuis encore sur le versant des songes

mais tu glisses de moi comme sable en la main

et comme un coquillage invente son mensonge

la courbe de ton corps esquive ton dessein

Je te traque et tu fuis Je te perds et tu plonges

Les forêts des grands fonds ont d’étranges détours

Je marche sur la mer et mon ombre s’allonge

sous le soleil obscur et dans l’ombre des tours

Aux plages de fraîcheur que déroule le lit

la trace de nos corps s’efface avec le jour

Le lit s’enfle et se gonfle aux brises de la nuit

Tristan la voile est noire et tu mourras d’amour

Tristan la voile est noire Iseult ne t’aime plus

La Belle au Bois s’endort du sommeil de l’hiver

Mourir ou bien dormir le flux et le reflux

me ramènent toujours aux lieux où j’ai souffert

Mais que le chant du coq à l’aube revenue

Mais qu’un rai de soleil qu’un pigeon qu’un appel

que le matin léger me rendent l’enfant nue 

me voici de nouveau le complice du ciel 

Sur son front la couronne invisible des Sœurs

Tristan la voile est blanche au flot des nébuleuses

De: Au sommeil de la nuit. Editions Gallimard, 1970

Dos versos de un poema chino

«El aroma de cabellos muy negros y muy finos
en el peine, un perfume de ámbar y de tarde de tormenta,
la risa de una sirvienta, el ruido muy dulce de pies desnudos sobre la arena. 
Fuera en el jardín un rumor de aguas vivas
y de pájaros que se bañan en el pilón de piedra. 
Por qué en febrero gris cuando se derrite la nieve sucia,
la joven que se peinaba en Xian una mañana de verano
en el tiempo del último emperador de los Tang del Sur. 
Por qué viene ella de repente a mezclar con la bruma de invierno 
el murmullo del peine en sus cabellos sueltos, 
un perfume de cabellos negros y finos, 
el ruido apenas ruido de los sirvientes pies desnudos
caminando por las losas y por la arena del jardín
y el canto de una oropéndola muerta desde hace doce siglos
mezclada con el rumor de aguas que no se agotan jamás.
Todo porque un poeta chino enamorado de la joven
acaricia en dos versos sus cabellos sueltos
su lejano perfume de ámbar y de tarde de tormenta.»

El año 1925

«El olor del pan que comienza a ser cocido en el horno
subiendo por un respiradero de la rue d’Alésia a la tarde
Los cascos de los caballos en el suelo de madera
y el silbido de las locomotoras de vapor por la noche
que evocan los raíles del tranvía número ocho
subiendo hacia Les Halles por el Boulevard Saint-Michel

Los escucho hace mucho viniendo del fondo del tiempo
entre el olor del carbón y de las cestas de hortalizas
que el arpajonés renqueante dejó a su paso

La forma de una ciudad cambia más rápido
que el corazón de un mortal, ya lo dijo Baudelaire.»

Algo de realidad

«Te acuerdas, Loleh, en Alicia en el país de las maravillas,
Tweedledee cuando explica a la niña
que ella existe sólo porque el rey la sueña. 
Si el rey se despierta amenaza Tweedledee ¡bang!
vas a evaporarte como cuando soplamos una vela, 
pero es verdad que existo, dijo Alicia llorando 
Está también Platón, su historia de la caverna
y Chuang-Tzé que sueña que es una mariposa 
y se pregunta a sí mismo cuando despierta si no será 
una mariposa que sueña ser Chuang-Tzé 
Está además Descartes, y la posibilidad de que todo no sea 
más que una jugarreta de un genio malo, y el otro,
el irlandés que querría despertarse por fin
de la pesadilla de la Historia.
Quizás después de todo yo sólo he soñado
que camino junto a ti, si sueño que te amo,
si sueño que soy yo que sueño que tú existes, 
¿quién se despertará al final de mi sueño? 
Pero el viejo sabio chino sonríe dulcemente
me sosiega, yo podría aceptar la idea
de que nada bueno me hubiese ocurrido nunca de verdad,
pero que Loleh no haya existido encuentro la cosa improbable. 
Sí, tú estás aquí y el viejo maestro chino murmura, 
si no existe nadie más que yo, no existe nada de mí.»

A la lisière du temps

Quand on marche le soir à la lisière du temps

il monte soudain une bouffée d’enfance

les cris d’hirondelles folles d’un préau d’école

ou le silence de la barque sur la rivière

à la tombée du jour quand le soleil rase l’eau qui moucheronne

ou bien la sonnette (deux fois) de l’épicerie-mercerie

où on achète après l’école les rouleaux de réglisse Zan,

qui barbouillent de noir et font les doigts collants.

On tend l’oreille le long du voile de la brume.

Quelqu’un parle à voix basse

sans qu’on puisse reconnaître la voix

et sans comprendre les paroles

les mots chuchotés loin      à l’envers du silence.

(Hôpital de la Pitié, 25 Août 1983)

De: A la lisière du temps Editions Gallimard, 1984

Soleil et vent

Dans le silence et la respiration de l’eau

une voix très basse se mélange au vent

Si on prête l’oreille on devine des mots

mais ce que dit la voix est en langue étrangère

Voix qui parle et se tait      et qu’on ne comprend pas

dans le feu sous la cendre       au creux noir de l’hiver

dans l’averse d’avril qui caresse le toit

dans la bouilloire pensive qui marmonne les heures

Voix envolées     voix qui murmure et qui s’endort

voix de feuillage frais de sommeil et de brume

Ce n’est que presque toi qui parles à toi peut-être

sans comprendre pourtant la phrase chuchotée

Plus tard       à midi juste   à l’aigu du soleil

des mots t’habiteront pour la première fois

et la clarté du jour aura    sans avoir l’air

traduit et mis en clair  ce qu’on avait cru taire

les mots de nuit de vent d’absence et de désert

Les pas du silence. Editions Gallimard, 1993

Éloge des contraires

Sur le mur l’épaisseur du lierre presque noir
et le fil de cristal de la toile d’araignée
brillant dans la clarté qui tremble dans le vent
Le merle couleur nuit qui saute à petits bonds
dans le blond du soleil couleur de jeune avril

Le tout petit enfant la très petite main
dans la profonde paume du vieil homme à pas lent
L’éclair d’un fer de faux dans le soleil couchant
et la gaieté du cri de la pivoine rouge
qui me dit à mi-voix « Cueille-moi s’il te plaît »

Le train de marchandise qui traigne et gémit long
en croisant à minuit l’express Flèche d’éclair
L’alouette du couchant qui parle à sa nichée
le silence du jour en train de s’effacer
et la dernière braise qui s’éteint et se tait

La respiration du jour qui va renaître
et les commencements de la vie à tâtons
L’absent aux yeux fermés dont le cœur bat encore
mais qui sent s’éloigner la souffrance et sa vie
(une petite fille a ri dans le jardin)

Les corps des deux amants renoués à l’aurore
dans l’extrême douceur de leur demi-sommeil
les yeux à demi clos au long cours du plaisir
approuvent pleinement le matin qui se lève
dans le clair et le vif de la vivante vie

qui oublie un instant l’heure le temps la fin
et qu’il est plus tard que tu ne crois
constamment

In Poèmes à pas de loup – 1992-1996, © Gallimard, 1997

La nuit

Elle est venue la nuit de plus loin que la nuit

A pas de vent de loup de fougère et de menthe

Voleuse de parfum impure fausse nuit

Fille aux cheveux d’écume issus de l’eau dormante

Après l’aube la nuit tisseuse de chansons

S’endort d’un songe lourd d’astres et de méduses

Et les jambes mêlées au fuseau des saisons

Veille sur le repos des étoiles confuses

Sa main laisse glisser les constellations

Le sable fabuleux des mondes solitaires

La poussière de Dieu et de sa création

La semence de feu qui féconde les terres

Mais elle vient la nuit de plus loin que la nuit

A pas de vent de mer de feu de loup de piège

Bergère sans troupeau glaneuse sans épis

Aveugle aux lèvres d’or qui marche sur la neige

Les quatre éléments

L’air c’est rafraîchissant

Le feu c’est dévorant

La terre c’est tournant

L’eau c’est tout différent.

L’air c’est toujours du vent

Le feu c’est toujours bougeant

La terre c’est toujours vivant

L’eau c’est tout différent.

Et combien davantage encore

ces drôles d’hommes

Espèces de vivants

Qui ne se croient jamais dans

leur vrai élément.

Los cuatro elementos

El aire es refrescante

El fuego consume todo

La tierra esta girando

El agua es diferente

El aire siempre es viento

El fuego siempre se mueve

La tierra sigue viva

El agua es diferente

Y cuanto más, estos hombres

extraños

Especies de seres vivos

Que nunca creen que están en su

verdadero elemento.

Les trois chèvres

Ce sont trois chèvres un matin

Qui travaillent dans leur jardin.

La première secoue le poirier,

La seconde ramasse les poires,

La troisième va au marché.

Elles ont travaillé tant et tant

Et gagné tellement d’argent

Qu’elles ont pris à leur service

Trois demoiselles de Saint Sulpice.

La première fait la cuisine,

La seconde fait le ménage,

Et la troisième au pâturage

Garde trois chèvres le matin.

Qui s’amusent dans leur jardin.

rois chèvres qui ne font plus rien.

(Dos ejemplos de poemas para niños de Claude Roy)

Claude Roy (Charentais, Francia, 28 de Agosto de 1915 – Paris, 13 Diciembre de 1997). Poeta, novelista y ensayista. Prix Goncourt de la Poésie 1985.

Hijo de Blanche Marie Germaine Delaville y de un pintor de origen español por parte de madre, Félicien Marie Julien Claude Roy.

Claude Roy pasó su infancia en París, pero con vacaciones en el campo, en Jarnac. Asistió al Liceo Montaigne y al Liceo de Angulema, y ​​estudió en las Facultades de Letras de París y Burdeos. Fue compañero de estudios y amigo de François Mitterrand. 

Llegó la Segunda Guerra Mundial y fue capturado por los alemanes, pero su ingenio innato le permitió escapar y se convirtió en un intrépido combatiente de la Resistencia, por lo que posteriormente recibió la Cruz de Guerra. Se afilió al Partido Comunista en 1943. Asistía a las reuniones del grupo en la rue Saint-Benoît, donde conoció a Marguerite Duras y Edgar Morin.

Los primeros textos literarios de Claude Roy fueron poemas, publicados por Pierre Seghers en Poésie 40 y Max-Pol Fouchet en Fontaine. Su primer libro, los poemas de L’Enfance de l’Art, se publicó en Argel en 1942. En 1943 publica «Clair comme le Jour».

En 1945, con la 2.ª División del Ejército Británico, ingresó en el campo de exterminio nazi de Bergen-Belsen, una experiencia que marcó el futuro de su vida.

Abandonó el Partido Comunista tras la represión de la Revolución Húngara de 1956 y, como colaborador de Le Nouvel Observateur, se convirtió en una figura clave de la izquierda antitotalitaria. Fue firmante del Manifiesto de los 121 a favor de la independencia de Argelia.Fue también cronista de Libération, el periódico fundado por Sartre en 1973, y miembro del comité de lectura de la editorial Gallimard hasta su muerte.

Se casó en segundas nupcias con la actriz y dramaturga Loleh Bellon (1925-1999), divorciada del escritor español Jorge Semprún (1923-2011).

Su vida estuvo marcada por la guerra («Nacido en la guerra, en 1915, la conciencia de ser hombre me vino viendo sucederse las guerras.«), la política («la pesadilla de la historia») y la enfermedad (se le detectó un cáncer de pulmón en 1983). 

De la veintena de poemarios que compuso, podemos destacar: Le Poète mineur (Editions Gallimard, 1949), Un seul poème (Un solo poema, 1954) ,À la lisière du temps(1984), Le voyage d’automne (1987), Le noir de l’aube (1990) y Les pas du silence (1993).

Varios de sus libros más conocidos son rimas, poemas y cuentos absurdos para niños de todas las edades, ilustrados por artistas de renombre, entre los que tuvo muchos amigos, como Picasso, Balthus, Zao Wou Ki y Zoran Music. Algunos títulos son La Famille quatre cents coups, Mères et Petits, La Maison qui s’envole, Le chat qui parlait malgré lui, Les Animaux très sagaces y dos volúmenes de Enfantasques (1974 y 1978)que están ilustrados con sus propios e ingeniosos collages.

La última obra de Roy fue un libro sobre su amigo Balthus (1996). Escribió un hermoso libro sobre el arte de la pintura, inspirado en los recuerdos de ver a su padre trabajar, en L’Amour de la peinture (1955).

Escribió varios volúmenes autobiográficos, comenzando en 1978 con «Moi je» («En cuanto a mí») y terminando en 1990 con «L’Étonnement du voyageur» («El viajero ideal»). Era el viajero ideal, siempre dispuesto a maravillarse, en América, China, India y Japón. Estos libros están llenos de encuentros con una cotidianidad transformada, con gente común y con los famosos. Su sección sobre Japón en La Fleur du temps (1988) contiene el tipo de bocetos instantáneos que la mayoría de los visitantes de corta estancia encuentran imposibles de registrar ante la fantástica novedad de una forma totalmente nueva de vivir y ver la vida. Su breve ensayo sobre la Villa Katsura, cerca de Kioto, es un buen ejemplo de cómo su ojo y oído entrenados detectaron lo discreto, lo invisible en la atmósfera de esa elegancia sublimemente sencilla de la arquitectura y el jardín.

Su obra fue reconocida con importantes galardones, entre ellos, el primer Premio Goncourt de poesía en 1985, el Premio Guillaume Apollinaire en 1995, y el Premio Valery Larbaud para ensayos en 1996.

Cuando murió Claude Roy, el 13 de diciembre de 1997, los periódicos dijeron que lo hizo “muy cansado”, posiblemente por su enfermedad. Al leer sus diarios, uno se vuelve cada vez más consciente de la presencia del cáncer que invadía su cuerpo, aunque las referencias al mismo son escasas y sin autocompasión.

Al final, compartió su asombro por seguir vivo, por haber vivido tanto tiempo. Incluso cuando supo que se moría, sus ganas de vivir nunca flaquearon.

Catherine Trautmann, ministra de Cultura francesa, rindió a Claude Roy un homenaje elegante y sincero: «Ha ganado su última batalla, porque para nosotros nunca dejará de estar vivo».


Enlaces de interés:

https://letraslibres.com/revista-espana/un-poeta-chino-llamado-claude-roy

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